Ministère de la Magie britannique, bureaux de l'ambassade américaine - salle de débriefing.

Votre fille est avec un employé du ministère, monsieur le secrétaire. Un certain Andersen, je crois, avait dit sa secrétaire personnelle. Son sang n'avait fait qu'un tour et son poing s'était serré autour du parchemin qu'il tenait. Inspirant profondément, il l'avait posé et s'était retourné, croisant les bras devant la fenêtre. La nuit d'encre couvrait Londres d'un manteau de mystères et au loin, au-delà de ce qu'il pouvait voir, il devinait l'imposante flèche de Westminster. Et la tour d'astrologie du Hogwarts College. Pourquoi avait-il fallu que l'unique personne à laquelle sa fille s'adresse soit... LUI ? Maheut avait toujours eu le chic pour le mettre dans l'embarras et pour la première fois, elle ne l'avait pas fait exprès. Mais le résultat n'était guère différent.

Preston attrapa son manteau. Je vais la chercher, Cora. Prenez la situation en charge. Je ne serai pas long. Bien sûr qu'ils y avaient cru. Mais en quittant les bureaux, le secrétaire d'Etat au ministre de la magie américain savait parfaitement qu'il risquait de passer un peu plus de temps que son équipe voulait bien le croire.

Quartier résidentiel de Westminster - immeuble de Lucas Andersen.

Preston remercia son garde du corps et lui ordonna d'attendre dans le hall de l'immeuble. L'Américain monta dans les étages, frappant à la porte de l'appartement. Ce fut rapide. La porte s'ouvrit, il retrouva Maheut et son regard croisa celui de leur hôte. Il se fit violence pour ne rien laisser paraître. Il aurait autant valu qu'il s'arrache les yeux pour les empêcher de briller autant. Briller de quoi, il l'ignorait, d'ailleurs. Il récupéra sa fille et quitta l'appartement aussi rapidement qu'il était arrivé. Lorsqu'il fut enfin chez lui, Maheut monta se coucher, le laissant seul face à ses souvenirs. Sa femme était à New York et ses deux fils avaient tous deux leur appartement à Londres. Et plutôt mourir de solitude que d'aller raconter cette vieille histoire à Maheut.

Faisant les cent pas, Preston hésita. Devait-il retourner dans le chic appartement de Westminster et obtenir des réponses, ou bien rester seul avec un verre d'alcool dans la pénombre de son penthouse du quartier des affaires et oublier son passé à chaque gorgée ? Il leva la tête vers l'horloge. Cela faisait déjà une bonne heure qu'il tournait en rond et le silence total qui régnait dans l'appartement laissait supposer que sa fille avait trouvé le sommeil. Il monta et l'embrassa sur le front avant de quitter l'appartement. Congédiant son garde du corps, il choisit de prendre un taxi. Une fois au pied de l'immeuble, son cœur battait la chamade. Tentant de calmer l'inhabituelle emballement de son corps, Preston monta. Et sonna à la porte de Lucas.

Westminster, appartement de Lucas.

La porte s'ouvrit. Un jeune homme, à peine la trentaine, se tenait dans l'encadrement de la porte. Ses cheveux mi-longs encadraient son visage aux traits déjà vieillis par un lourd passé, mais le sourire qui courba ses lèvres illuminèrent son être d'une aura espiègle. Preston, ruisselant de la pluie qui tombait sur Londres, glissa sa main dans son cou et s'empara de sa bouche.

Des botrucs de faïence, voilà ce qu'ils étaient. Des étrangers, voilà ce qu'ils étaient devenus. La vie les avait éloignés, faisant de leur si belle idylle un vague souvenir. Et Preston savait parfaitement qu'il était responsable de l'échec de leur histoire. Ils auraient pu s'aimer si longtemps - toute la vie, certainement. Mais il avait fallu qu'il ait peur. Il avait paniqué, coupant tout lien avec l'homme qu'il aimait alors. Le regard froid que Lucas posa sur lui glaça le sang. Il avait tant de choses à se faire pardonner, tant d'explications à donner. Le Danois saurait-il l'écouter ? Lucas accepterait-il d'entendre que Preston avait choisi le confort d'une petite vie tranquille plutôt que le danger d'un amour interdit ?

Lucas bougea enfin, éveillant un mince espoir dans l'âme de Preston, rapidement évaporé en voyant son ancien amant retourner à l'intérieur. Mais la porte resta ouverte. Certes Preston était entré une heure auparavant. Mais il n'avait guère pris le temps de tout regarder, de chercher les similitudes de l'époque où ils passaient tant de temps dans la tanière de Lucas. Il inspira profondément et entra, refermant la porte derrière lui. Sa main s'abandonna un court instant sur la poignée. Maintes fois, ils avaient claqué la porte d'un coup de pied. L'Américain se retourna, faisant face à l'intérieur de l'appartement. Rien n'avait changé. Une vague de souvenirs le submergea, le faisant imperceptiblement vaciller.

Il enleva son manteau, entretenant son amant de sa barbante journée de travail. Balançant le manteau sur l'un des fauteuils, il se rendit dans la cuisine et sortit une biéraubeurre du frigo. Continuant de parler, il décapsula la bière et rejoignit Lucas dans le salon. Il retira sa veste de costard, défit sa cravate et déboutonna le haut de sa chemise avant de s'affaler sur le canapé, juste à côté de son amant. Il posa sa tête sur ses genoux et ferma les yeux, souriant du délice d'être si heureux.

Preston passa sa main sur le dossier du fauteuil. Presque tous les soirs pendant de si longues années, il avait jeté son duffle-coat à cet endroit exact. Il tourna la tête vers la cuisine. Tout était à la même place. Les années avaient emporté leur jeunesse, mais Lucas n'avait pas modifié l'organisation de l'appartement.

Preston leva la tête, cherchant le regard de son ancien amant devenu un simple collègue de travail. Comment avaient-ils pu en arriver là ? Qu'étaient devenues leurs si belles promesses d'avenir ? leurs si éclatants désirs d'absolu ? leurs si étincelants rêves d'indépendance ? Ils s'étaient fanés. Par sa faute. Rien n'a changé ici, murmura Preston, redoutant d'affronter la réaction de Lucas. Nous avons tant de souvenirs dans cet appartement ajouta-t-il alors, prêt à tenter le tout pour le tout.  

Westminster, appartement de Lucas.

Que pouvait-il bien penser ? Les yeux marrons de Lucas ne disaient absolument rien et au fond de lui, Preston se sentit paniquer d'être incapable de déchiffrer les traits de cet homme qu'il avait tant aimé. Et qu'il aimait encore, vu les frissons qui couvrirent sa peau lorsque Lucas parla. Combien de fois cette voix éraillée n'avait-elle pas murmuré à son oreille, lui contant avec mille tendresses la beauté de ce qu'ils étaient, tous les deux.

Preston déglutit. Vidé de toute sa superbe, épuisé par des années de travail acharné et par de longues nuits sans sommeil, l'Américain n'avait qu'une unique chose de valeur à offrir à Lucas. Une seule, qu'il était prêt à sacrifier à tout instant. Son âme. Il s'était déjà oublié dans les bras du Danois, effaçant les responsabilités qui supprimaient l'inconnu et le rêve de sa vie. Il pouvait le faire de nouveau. Il pouvait redevenir cet homme que Lucas avait aimé et, Preston espéra, qu'il aimait toujours, même un petit peu.

Les souvenirs sont vivants. Nous nous en souvenons, donc ils ne sont pas morts. Et s'ils ne sont pas morts, ils peuvent revivre, aurait-il voulu lui répondre. Accusant le coup, Preston ne détourna pas le regard. Même s'il sentait celui de Lucas lui dévorer l'esprit, il tint bon. Qu'était-il venu faire ici, d'ailleurs ? Preston ouvrit la bouche, puis la referma. Il n'avait pas d'explication cohérente. Il avait suivi ce qui faisait de lui un homme politique perspicace et apprécié - son instinct. Chaque particule de son corps l'avait attiré vers le grand appartement de Watersbay Road.  

Je ne sais pas, finit-il par avouer. Preston tourna la tête, regardant de nouveau autour de lui. Il vit alors la porte de la chambre de Lucas. Le grand Américain, si arrogant, si fier, si orgueilleux, n'était plus rien. Pourquoi avait-il tout abandonné ? Comment avait-il pu choisir Miranda ? Qu'avait-il donc pensé en rompant tout contact avec Lucas ? Pendant cinq ans, il s'était persuadé qu'il était heureux auprès de sa famille, qu'ils étaient ce dont il avait besoin pour vivre. Mais la réalité était toute autre. Et pendant cinq ans, il s'était menti à lui-même, niant l'éclatante vérité. Il avait besoin de ses enfants, pour vivre. Et de Lucas. N'être plus qu'un étranger dans cet appartement fut la révélation. Y avait-il eu d'autres hommes à traverser ce salon pour se lover dans le canapé en cuir ? Y avait-il eu d'autres hommes à partager le petit-déjeuner de Lucas ? Y avait-il eu d'autres hommes dans ses bras ? Y en avait-il eu d'autres à lui promettre une fidélité éternelle ? Y en avait-il eu d'autres que lui pour rompre leurs promesses et fuir avec autant de lâcheté ?

Preston se sentait misérable. Il plongea ses mains dans les larges poches de son manteau pour cacher leur tremblement. L'apparence, toujours. Son regard revint sur Lucas. Comment ses jambes pouvaient-elles encore le tenir ? Pardonne-moi, murmura-t-il enfin.  

Westminster, appartement de Lucas.

Tremblant de peur que Lucas se retourne pour le renvoyer, Preston serra les poings dans ses poches de manteau. Que n'avait-il un stylo pour passer ses nerfs ? Il ne perdait jamais son sang-froid en présence de ses collaborateurs. Mais face à Lucas, il n'était plus rien - plus qu'un homme perdu dans l'immensité inconnue et terrifiante du passé. Et d'un trouble avenir. Lucas lui pardonnerait-il un jour ? N'ayant vue que sur le dos du Danois, Preston hésitait. Pour la première fois, il ne savait comment agir, incapable de prévoir à l'avenir la réaction de son ancien amant. Il risquait, par un geste ou une parole mal placée, briser le dernier lien qu'il voyait se reconstruire entre eux deux - car si Lucas niait leurs souvenirs, ne leur accordant que le crédit de vagues songes à la réalité douteuse, Preston ne reniait rien. Rien du tout.

Mature ? Preston ouvrit la bouche, puis la referma. Que pouvait-il répondre ? Qu'il avait occulté cette partie de son passé pendant cinq ans, reconstruisant sur des bases branlantes un avenir hérité d'un mensonge ? Preston avait quarante-cinq ans et occupait le poste le plus important après celui de ministre américain de la magie – poste qu'il avait lui-même occupé quelques années auparavant. Pouvait-on encore douter de sa maturité ? Lancer son pedigree au visage de Lucas n'aurait pour effet que de l'agacer encore plus.

Fébrile, Preston s'avança de deux pas vers la fenêtre et le dos de Lucas. Il avait pris sa décision. Malgré les risques qu'il prenait en agissant de la sorte, il aurait au moins l'avantage certain de quitter l'appartement en connaissance de cause. Rien ne serait plus pareil. Il était à un carrefour dont son avenir dépendait. Pourtant, que ne s'était-il douté qu'il reviendrait dans cet appartement de Westminster en cette soirée d'hiver ? Si on le lui avait assuré en début d'après-midi, il aurait juré à une mauvaise blague de la part de son staff – ou de Maheut, puisqu'il était toujours question des blagues au goût douteux de sa cadette avec laquelle il était en constante opposition. Pourtant, ses enfants méritaient de savoir que pendant tant d'années, il avait été absent de leur éducation car il les oubliait dans d'autres bras que ceux de leur mère. Pourraient-ils comprendre ? Jamie, son frère, pourrait peut-être. Mais ses enfants lui pardonneraient-ils un jour son abandon ? Il savait déjà que jamais il ne pourrait se le pardonner à lui.

Inspirant profondément, il allait tourner les talons lorsque Lucas murmura son prénom. La foudre s'abattit sur lui, lui glaçant le sang et lui donnant la chaire de poule. Ses certitudes se décomposèrent et il sut comment agir. Il avança vers Lucas et, glissant sa main dans sa nuque, l'embrassa avec toute la tendresse et l'amour qu'il avait contenus pendant cinq ans.

Westminster, appartement de Lucas.

Il n'y avait plus qu'eux deux, unis par leurs lèvres scellées. Lorsqu'il sentit que Lucas répondait à son étreinte, Preston se sentit enfin heureux. Une vague de chaleur le submergea lorsque son ancien amant l'attira contre lui, sentant sa main caresser ses cheveux. Étaient-ils revenus l'un vers l'autre ? Enfin ? Alors que la main gauche de Preston glissait dans le dos de Lucas, celui-ci mit fin à leur étreinte. Preston arqua un sourcil, cherchant une réaction sur le visage du Danois. Il ne vit rien arriver et ce ne fut que lorsqu'il tituba en arrière, sonné par le coup, qu'il comprit qu'il était allé trop loin. Était-donc fini entre eux ? L'esprit brouillé, la mâchoire endolorie, Preston porta sa main à sa bouche. Quelques gouttes de sang perlèrent sur le col de sa chemise et tintèrent ses doigts. Il releva les yeux vers Lucas. Le visage de l'Américain se couvrit d'un masque de profonde tristesse et il baissa la tête.

Ce fut alors qu'il songeait à battre en retraite que l'incroyable se produisit. Lucas s'avança en titubant vers lui. Ce ne fut qu'alors que Preston remarqua qu'une tache de sang grandissait au niveau de l'épaule de Lucas. Il ouvrit de grands yeux, se rendant compte qu'il ne s'était même pas renseigné sur l'état de Lucas. Il n'avait pensé qu'à Maheut et dan la tourmente, en avait oublié Lucas. Preston hésita à reculer, craignant un autre coup. Lucas vint cependant reposer son corps blessé contre le sien, glissant son visage dans son cou. Preston resta les bras ballants jusqu'à ce qu'un courant électrique traverse son corps, lui ordonnant de réagir. Il entoura la taille de Lucas de son bras gauche et passa doucement sa main droite dans les cheveux de Lucas. Tout à la chaleur que leurs deux corps dégageaient, il en oublia la douleur qui le lançait à la bouche. Et il fallut trois mots en danois pour effacer cinq années de tristesse et de culpabilité dévorante. Trois. Lucas les avait prononcés chaque fois qu'ils se retrouvaient à l'appartement après de longues semaines loin l'un de l'autre.

Et Preston sut. Il sut que malgré la douleur et les doutes, ils se redonnaient une nouvelle chance. Il sut que sa place était là, enlaçant Lucas. Et il sut qu'il n'avait jamais cessé de l'aimer.
Il recula légèrement la tête pour pouvoir regarder Lucas droit dans les yeux. Il lisait tant de choses dans les yeux de son amant. Un sourire se dessina timidement à l'embouchure de ses lèvres. Jeg elsker dig Lucas (Je t'aime Lucas), murmura-t-il maladroitement avant de faire de nouveau siennes les lèvres de son amant. Ses mains, une dans la nuque de Lucas et l'autre dans son dos, semblaient se souvenir parfaitement du corps du Danois.

Le bruit particulier d'un patronus approchant se fit entendre, séparant les deux hommes. Preston n'enleva pas pour autant sa main de la nuque de Lucas. Un loup se matérialisa dans une lumière bleutée et une voix d'homme emplit la pièce. Andersen, deux hommes ont été arrêtés. La ministre Wordsworth veut vous voir au plus tôt pour que vous lui faisiez un rapport. Nous savons que vous avez transplané avec la fille du secrétaire d'Etat américain. Assurez-vous de sa sécurité. Il n'est guère temps de déclencher un incident diplomatique. N'oubliez pas, un rapport à la ministre le plus tôt possible. Le loup disparut. Preston arqua un sourcil en entendant la mention de sa fille. Puis il se rendit compte qu'il avait enlevé sa main de la nuque de Lucas. Il détourna le regard de l'endroit où se tenait le patronus et le posa sur Lucas.  

Westminster, appartement de Lucas.

Ses lèvres contre celles de Lucas, Preston vécut, l'espace d'un instant, un délicieux retour en arrière. Puis, lorsqu'ils se regardèrent de nouveau, il comprit qu'il n'était plus temps de penser au passé. Par cette étreinte nouvelle, ils s'offraient une autre chance. Et par amour pour Lucas, Preston se promit d'être un autre homme - meilleur & loyal. L'arrivée du patronus ministériel brisa la solennité d'un tel moment. Le secrétaire d'Etat n'osa piper mot tandis que son compagnon (ô combien délectable sonnait ce mot) analysait le message transmis par son supérieur.

Lucas commença à s'agiter, se déplaçant dans l'appartement. Les affaires reprenaient. Le monde ne leur avait laissé que peu de temps pour régler leurs différends, mais Preston n'aurait pu rêver d'un meilleur dénouement. Ils ne verraient pas ce que donnerait l'avenir. Ils construiraient l'avenir, architectes d'un futur à façonner à deux. Voyant que Lucas s'occupait de rassembler ses souvenirs de la soirée, Preston retira son pardessus et le posa sur le dossier du fauteuil, sortant sa baguette de sa poche. Il conjura un patronus et fit transmettre un message à sa secrétaire. Je suis en compagnie d'un des hommes du Ministère qui était présent à la soirée. Débriefing avant qu'il fasse son rapport à la ministre. Transmettez à ma femme que Maheut est en sécurité. Et appelez mon avocat pour un rendez-vous lundi à la première heure. Preston regarda l'aigle disparaître en une volute de fumée bleutée. Miranda s'étonnerait qu'il ait demandé un rendez-vous avec leur avocat mais il venait juste de prendre la plus grande décision de sa vie. Il allait divorcer. Son mariage ne rimait plus à rien et il ne souhaitait plus se complaire dans le mensonge d'une vie officiellement lisse.

Lucas murmura alors qu'il allait lui être utile. Arquant un sourcil, Preston acquiesça et retira sa veste de costard, se retrouvant en chemise. Il ne comprit pas tout de suite mais lorsqu'il rejoignit Lucas dans la salle de bain, il ouvrit de grands yeux en voyant l'étendue de sa blessure. Le beau Danois ne semblait pas au meilleur de sa forme. Preston se tut et attrapa les fioles, forçant Lucas à s'asseoir par terre. Il s'agenouilla à côté de lui et esquissa un sourire amusé. Ce ne serait pas la première fois qu'il se ferait insulter à cause d'une blessure. Preston se souvenait parfaitement de la fois où un bocal de cornichons avait glissé de la main de Lucas et s'était fracassé sur le sol, projetant des éclats de verre dont il qui s'était fiché dans la main du Danois. Preston ne l'avait jamais entendu être aussi grossier. Il savait donc à quoi s'attendre.

Preston récupéra le carnet et les fioles, transportant le tout dans la cuisine. Il posa ses trésors sur la table et se retourna vers les meubles de la cuisine pour chercher les ustensiles. Ses mains semblèrent le guider vers les bons emplacements, comme si son corps tout entier se souvenait de tout. Bol, cuillère, couteau, pilon. Tout fut rapidement devant lui et il n'eut plus qu'à remonter ses manches pour s'y mettre. Les yeux rivés sur le carnet, il mémorisa rapidement les mots griffonnés et reproduisit les indications. Il n'avait jamais été un as des potions, mais ce n'était pas le moment de revenir sur les souvenirs de sa scolarité. Lorsque tout sembla prête, il passa son avant-bras sur son front, soufflant pour extérioriser la tension qui tendait chaque muscle de son corps.

Lorsqu'il regagna la salle de bain avec la préparation, il s'agenouilla près de Lucas et posa le bol près de lui. L'espèce de pâte d'un vert visqueux le révulsait profondément. Pourtant, il n'avait pas trente-six mille solutions. Il leva les yeux vers Lucas. La douleur qu'il voyait creuser le visage de son amant lui tordit l'estomac. Il se redressa pour passer ses mains sous l'eau chaude afin qu'elles n'ajoutent pas un désagrément de plus sur la peau déjà torturée de Lucas. Sers les dents, dit-il avant de plonger la main dans la préparation et d'en poser sur la blessure, espérant silencieusement que, pour une fois, l'insupportable pâte visqueuse n'augmente pas la douleur de Lucas.